Le poirier sauvage

Arte
09/11/20 ~ 22:35 - 01:40

Sinan, qui a fini ses études de littérature, revient dans sa ville natale en pensant pouvoir choisir son destin. Mais celui-ci est irrémédiablement lié à celui de son père, prof presque retraité, devenu joueur invétéré et surendetté. Il doit réussir un concours complexe, or 300 000 apprentis profs attendent déjà un poste. Côté écriture, il n'a aucun succès avec ses textes : personne ne s’intéresse à sa fascination devant la culture populaire, ou à la beauté d’un arbre mystérieux, appelé « le poirier sauvage ». Au village, il rencontre une fille merveilleuse qui osait tout affronter, autrefois, et qui, a finalement tu ses ambitions. Elle va épouser un bijoutier riche mais qu'elle n'aime pas... - Critique : Qu’il filme un procureur et un médecin à la recherche d’un cadavre (Il était une fois en Anatolie, 2011), un comédien hôtelier vaniteux, contesté par sa sœur et sa jeune femme (Winter Sleep, Palme d’or 2014), ou, ici, un jeune homme en quête d’avenir, Nuri Bilge Ceylan peint des fresques romanesques. Il mise sur le temps pour saisir, comme dans les romans d’apprentissage de Tolstoï ou de Stendhal, le destin de personnages en butte à eux-mêmes, à la vie qu’ils mènent, à celle que la société leur fait mener. Jadis, pour se sortir de sa condition, Julien Sorel avait le choix entre « le rouge » et « le noir » : l’armée ou la prêtrise. Pour Sinan, qui vient de terminer ses études, ce serait entre la littérature et l’enseignement, à condition de réussir un concours complexe, qu’il est sur le point de rater. Quant à ce qu’il écrit, nul n’en veut, personne ne s’intéresse à ses émois devant la beauté d’un arbre noueux et ratatiné, le poirier sauvage du titre. Le jeune homme est décidément bon pour le service militaire, qu’il attend avec une angoisse mêlée de résignation… Le projet de Nuri Bilge Ceylan est de capter, en douce et en douceur, le mal-être d’un pays, peut-être même d’une société. Voilà un cinéaste au sommet de son œuvre, que l’on sait désormais capitale.