Hippocrate aux enfers

France 2
29/01/19 ~ 23:10 - 00:20

De 1933 à 1945, la recherche médicale occupe une place privilégiée au sein du IIIe Reich. Pour valider son idéologie, fondée sur la classification des races, le nazisme a besoin de la médecine et de ses praticiens. Plus de 70% des médecins allemands répondent à cet appel. Un engagement qui coûte la vie à plusieurs milliers de déportés utilisés comme cobayes. Petit-fils de déportés, Michel Cymes retrace le parcours de certains de ces docteurs et cherche à comprendre comment ceux qui ont, comme lui, prêté le serment d'Hippocrate, ont pu commettre de telles atrocités. Critique : Visage fermé, col remonté jusqu’aux oreilles et pas lents dans la pénombre, Michel Cymes s’avance, comme Christophe Hondelatte à la grande époque de Faites entrer l’accusé. Les sanglots longs des violons de Renaud Capuçon enfoncent le clou pour ceux qui ne l’auraient pas encore compris : l’heure est grave. « Il m’a fallu des années avant de réussir à passer les portes du camp d’Auschwitz, où mes deux-grands-pères ont disparu. » Une visite fondatrice, qui avait déjà inspiré en 2015 à l’animateur du Magazine de la santé (France 5) un ouvrage indigné sur les atrocités commises par les médecins nazis (1) , dont ce documentaire est la transposition télévisuelle. « La question me hante depuis des années : ma pratique médicale a-t-elle été nourrie du sang de ces malheureux ? Ces expérimentations ont-elles, un tant soit peu, fait avancer la science ? » s’interroge le praticien. Et ces quatre-vingt minutes consacrées à évoquer pour la énième fois les parcours criminels des plus tristement célèbres séides en blouses blanches de Hitler (Josef Mengele à Auschwitz, Herta Oberheuser à Ravensbrück, Sigmund Rascher à Dachau…) font-elles, un tant soit peu, avancer la connaissance historique et sa compréhension par le grand public ? Dans les deux cas, la réponse est non. Perclus par la somme d’effets déployés — dispositif faussement inspiré de projections d’extraits d’entretiens et d’archives sur les murs nus de camps de concentration, mise en scène outrée de l’indignation de Michel Cymes — et malgré la caution de deux historiens valables — Yves Ternon et Johann Chapoutot —, le film n’évoque guère autre chose qu’une pénible pantomime. (1) Hippocrate aux enfers, les médecins des camps de la mort, Stock, 2015.   Suivi d’un débat animé par Marie Drucker, avec Michel Cymes, auteur du documentaire et Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique.