Razzia, diffusion du 07/02/19

Canal+
07/02/19 ~ 08:18 - 10:10

A Casablanca, Salima fume des cigarettes, veut travailler, porte des jupes courtes au grand dam de son mari qui contrôle ses faits et gestes. Hakim, jeune garçon des quartiers populaires, se réfugie parfois, lui aussi, sur le toit de son immeuble : un havre où il écoute Freddie Mercury, le chanteur gay de Queen, l’inspirateur d'un look qui fait honte à son père. Au cœur des quartiers bourgeois, l’adolescente Inès s’asphyxie dans son ghetto de riches, qu’elle quitte seulement pour aller au lycée français, conduite par un chauffeur. Dans le centre-ville, Monsieur Joe sent désormais se crisper les comportements. Parce qu’il est juif... Critique : En mettant à nouveau en scène le Maroc, après, notamment, Les Chevaux de Dieu (2012) et Much loved (2015), Nabil Ayouch déploie son regard avec un amour inépuisable. Mais inquiet. Dans l’Atlas, en 1982, un maître d’école est remplacé par un ­sinistre magister chargé d’imposer l’usage de l’arabe classique, une langue que les élèves, berbères, ne comprennent pas et qui est le vecteur de l’islam ultra-religieux. L’arabisation forcée place le film sous le signe d’une dépossession : ce qui s’est passé dans ces montagnes, il y a longtemps, se répète aujourd’hui dans les maisons, à Casablanca. Salima vit sous le contrôle de son mari, Jawad, que le désir de liberté de sa femme rend fou. Hakim endure les ­regards de mépris de son père parce qu’il veut devenir chanteur. Courageusement, Razzia montre une nation d’idéologues, arc-boutés sur des diktats moraux, religieux. De ce tableau tout en tensions ressortent des visages en gros plan, des individualités qui résistent. Hakim s’accroche à son rêve, Salima refuse d’être la recluse que son mari veut pour compagne. Portraitiste talentueux, le réalisateur regarde chaque personnage intensément. Il montre le courage des choix personnels dans un pays où des ­révoltes collectives peuvent surgir aussi. Maryam Touzani, qui a coécrit le scénario avec lui, donne à Salima sa beauté de tragédienne, mais aussi une douceur, une plénitude. Figure de proue du film, elle ­incarne à merveille le combat et la sensibilité, l’espoir possible.