L'hôtel du Libre-échange, diffusion du 29/03/20

France 5
29/03/20 ~ 19:50 - 22:25

Marcelle Paillardin est exaspérée. Son mari, un architecte bedonnant et essoufflé, n'honore ni sa couche, ni son nom. Aussi, lorsque le brave Paillardin lui annonce qu'il doit passer la nuit dans une chambre supposée hantée pour y constater la présence d'esprits frappeurs, Marcelle décide-t-elle de prêter l'oreille aux propos enjôleurs de leur ami Pinglet, en quête de bonne fortune. Le couple illégitime transporte ses amours naissantes à l'Hôtel du Libre-échange, dont le nom dit assez l'usage. Le hasard conduit sous le même toit Paillardin lui-même, un client bègue, Mathieu et la bonne des Pinglet, en coquetterie avec le neveu de Paillardin... - Critique : La mise en scène d’Isabelle Nanty fait respirer à merveille la cruauté de ce vaudeville, composé en 1894. Ça parle beaucoup chez Georges Feydeau (1862-1921). Mais il a la géniale intuition d’un langage qui colle à l’inconscient, révèle dans ses accidents, ses bégaiements mêmes, les maux du corps et du cœur. Face à ses comédies réglées comme des partitions musicales, on est sidéré par des dialogues qui expriment haine, rejet et dégoût selon les mœurs de la petite bourgeoisie qu’il dépeint. Sidéré plus encore par la folie corporelle que ce langage au bord de l’explosion permet aux comédiens. Christian Hecq et Anne Kessler osent jouer physiquement d’une façon hilarante pour dire leur existence ravagée par le continuel rejet des autres. Dans cet hôtel « borgne » où les couples adultères tentent de venger de sinistres vies conjugales, rien n’est à sa place. Et rien ne se fait comme prévu. Liaisons ratées, sexe empêché. Chez Feydeau, la mesquinerie mène toujours à l’impuissance. Mais Isabelle Nanty rend leur part d’innocence aux mal-aimés. Elle en fait de grands enfants désirants dans un monde où l’on chante encore des chansons… Et le texte se révèle du coup plus mélancolique. Ces êtres-là ne découvriront sans doute jamais ce qu’ils quêtent à l’hôtel. On en rit. Furieusement. Mais de tristesse.