Le siècle de Lévi-Strauss, diffusion du 20/01/19

Arte
20/01/19 ~ 05:45 - 06:40

Se rêvant compositeur, Claude Lévi-Strauss concevait son oeuvre maîtresse «Tristes Tropiques», parue en 1955, à la manière d'un opéra dans lequel il retisse ce que les sociétés occidentales ont dispersé : «cette alliance primitive entre le poétique et le rationnel». Au fil d'un montage d'entretiens avec Claude Lévi-Strauss, de films et de photographies issus de sa collection privée, d'archives des grands événements du XXe siècle, Pierre Assouline dessine le portrait du père du structuralisme en homme libre, sans appartenance à une université, un parti politique - à l'exception d'une brève incursion à la SFIO - ou une religion. Critique : « Je suis devenu ethnologue pour des raisons impures. » Le jeune intellectuel qui débarque à l'université de São Paulo en 1935 ne connaît pas grand-chose à sa future discipline. Claude Lévi-Strauss est alors un enseignant de philo en mal d'ailleurs et à la recherche d'une « voie de traverse » pour « courir le monde ». Lors de ses congés, il s'aventure hors de la ville, découvre le Mato Grosso et pose ses bagages parmi les Indiens Caduveos et Bororos. C'est le début d'une très longue carrière : la reconnaissance survient avec la parution de Tristes Tropiques en 1955 et la consécration en 1973 avec son élection à l'Académie. C'est le principe de la collection « Le siècle de... » : l'intéressé se raconte lui-même et devient le narrateur de sa propre histoire. Pour dresser le portrait de l'homme et de son oeuvre, Pierre Assouline a puisé dans les entretiens télévisés accordés par Lévi-Strauss et les archives personnelles du penseur. Le procédé, similaire à celui employé par Pierre-André Boutang dans Claude Lévi-Strauss par lui-même (2008), fonctionne, offrant une chronologie claire et une exposition limpide des grands concepts — Lévi-Strauss s'exprime avec l'aisance des grands professeurs. Mais le documentaire n'échappe pas à une dimension hagiographique. De fait, à n'être jamais contredit ou considéré sous un autre regard que le sien, l'auteur de La Pensée sauvage en ressort quelque peu muséifié et figé, alors même que les fruits de son travail sont bien vivants. — Xavier Thomann