La Carrière de Suzanne, diffusion du 20/01/19

Arte
20/01/19 ~ 01:25 - 02:15

Bertrand, étudiant timide et réservé, admire secrètement son ami Guillaume, beaucoup plus assuré et entreprenant que lui. Un jour, dans un café, ce dernier courtise et séduit Suzanne, une jeune fille candide et naïve qu'il laisse rapidement tomber. Désemparée, Suzanne tente de se rabattre sur Bertrand qui, croyant aimer une autre jeune femme, Sophie, la repousse. Suzanne disparaît... Critique : Film d'Eric Rohmer (France, 1963). NB. 55 mn. Avec Catherine See : Suzanne. Philippe Beuzen : Bertrand. Christian Charrière : Guillaume. Genre : on ne badine pas avec la morale. La subtilité du cinéma d'Eric Rohmer, que ses détracteurs confondent avec la préciosité, éclata dès ses premiers courts métrages. Encore faut-il se donner la peine de la percevoir. Pour apprécier le charme de La Carrière de Suzanne, deuxième volet de la série des « Contes moraux », il faut prêter ­attention au moindre détail. Ce qui pourrait n'être qu'un agréable badinage estudiantin entre Quartier latin et Bourg-la-Reine atteint vite la même profondeur que le sublime Ma nuit chez Maud. Il n'y est pas encore question de pari pascalien, mais bien de manipulation dostoïevskienne. Celle exercée par Guillaume, dragueur dont la muflerie confine au sadisme, sur son ami Bertrand, dans le but de séduire Suzanne (qu'on aperçoit, au détour d'un plan, lisant Les Possédés). « Si j'avais bon goût, tu ne me plairais pas », balance le don Juan du Boul' Mich' à sa proie. La séduction passe d'abord par les mots, nous dit déjà le professeur (de français) Rohmer. Il le répète d'ailleurs en latin dans le texte, pile au milieu du film : caché dans la cabine téléphonique d'un bistrot, il dicte à son interlocuteur un passage des Dialogues sur l'art oratoire, de Cicéron.