Une femme douce

Arte
12/08/20 ~ 23:50 - 02:05

En Russie, une femme reçoit un jour par retour de courrier un colis qu'elle avait envoyé à son mari, qui purge une longue peine de prison. Après avoir tenté, sans grand succès, d'obtenir une explication auprès des services de la poste, elle n'a pas d'autre choix que de se rendre à la prison, pour tenter de délivrer le colis elle-même. Pour elle, c'est le début d'un long et éreintant voyage à travers le pays, avant d'affronter l'administration pénitentiaire... - Critique : Jusque-là, tous les colis parvenaient à son mari, emprisonné très loin. Mais le dernier envoi lui est revenu. Alors, la « femme douce » demande à une collègue de la remplacer à la station-service fantomatique de leur village et s’en va en quête d’explications qu’elle sait d’avance n’obtenir jamais. C’est cette Russie dévastée, hystérique, où « l’âme slave », si chère aux idéalistes romantiques, n’existe plus (a-t-elle seulement existé un jour ?) que décrit l’Ukrainien Sergueï Loznitsa. Vision brutale que seule la beauté de sa mise en scène rend tolérable : ces innombrables plans-séquences, d’autant plus inquiétants que le danger menace et que l’absurdité rôde. Selon le cinéaste, il est impossible, en Russie, quoi qu’on y fasse, d’échapper aux dépositaires d’une autorité imbécile qui fouillent votre valise et votre âme pour vous rendre malléable. Et le cinéaste brise, brusquement, la fluidité de son intrigue par une séquence ahurissante. Une vraie claque. On était chez Kafka, nous voici, soudain, chez Fellini : dans un décor grotesque, la « femme douce » écoute, comme au spectacle, tous ceux qu’elle a croisés sur sa route l’assurer de leur générosité. De leur fraternité. Mais elle entend, aussi, sous les discours filandreux de ces clowns blancs — démiurges, populistes, dictateurs —, des propos nettement plus inquiétants. « C’est par amour pour vous que nous devons tout savoir de vous », dit l’un de ces rigolos sinistres…