M le Maudit

France 5
21/01/19 ~ 23:45 - 01:35

Peinture métaphorique de l'Allemagne se donnant au nazisme, réflexions sur la culpabilité, leçon de mise en scène : chef-d'œuvre. Critique : Il paraît qu'à la sortie de M le Maudit, Joseph Goebbels nota dans son journal : « Fantastique. Pour la peine de mort. Lang sera notre réalisateur, un jour. » Contresens total : poursuivi par la police comme par les criminels, le tueur sadique de petites filles a du mouron à se faire, mais c'est la loi qui, paradoxalement, peut le sauver – à l'image d'une dernière séquence libératrice, à disserter en cours de philo. De ce film stupéfiant, on retient la maîtrise immédiate qu'a Lang du parlant. Il réussit ici à ­inventer un mode d'illustration sonore qui lui est propre et ne le limite jamais : il dissocie ­fréquemment la bande-son de l'image, prolonge un dialogue pour le transformer en commentaire off, etc. La première séquence – l'assassinat d'Elsie Beckmann – est une leçon de mise en scène, un montage alterné qui fait monter l'angoisse. Le tueur n'est d'abord qu'une ombre sur l'affiche qui offre une prime pour sa capture, puis une voix d'une absolue douceur. Peter Lorre, génial, apparaît, qui sifflote un refrain (le thème est tiré des Suites pour Peer Gynt, de Grieg, et il est sifflé par Lang lui-même). L'horreur se passera hors champ. Le film a la curieuse prescience d'un « nouveau mal », un noir fléau qui pourrait être assimilé au nazisme. Et Lang, convoqué par Goebbels, préféra, in fine, rejoindre Paris en train, ne pas être « leur » réalisateur.