Lettres de la guerre

Arte
14/03/19 ~ 00:35 - 02:20

Quand la guerre se mêle à l’amour et la poésie. Une adaptation envoûtante d’António Lobo Antunes, qui laisse toute sa place au lyrisme de l’auteur. Critique : António Lobo Antunes est l’un de ces écrivains que l’on dit « nobélisables », sans qu’ils soient jamais couronnés… Ses premiers romans, flux tumultueux de pensées et de souvenirs, ont eu pour toile de fond la guerre coloniale en ­Angola, à laquelle il a participé en tant que médecin. C’est cette période qui est évoquée à partir de ses longues lettres d’amour envoyées chaque jour à sa femme enceinte, à Lisbonne. Des lettres lues en voix off, sensuelles, incantatoires, proches du journal de bord, qui disent le manque terrible de l’être aimé, mais aussi la violence de cette guerre injuste, l’attente, le néant, la part d’ombre de celui qui confie à un moment : « Voilà ce que la guerre fait de nous : des insectes luttant pour leur propre survie, dans une frénésie de pattes et d’antennes. » A l’image, on découvre le quotidien morne, angoissant, d’António (Miguel Nunes) dans sa base militaire, à la lisière de la savane. Il voit ses compagnons mourir, tue des chiens porteurs de maladies, apprend des dialectes… Noir et blanc soyeux, peu de dialogues, mais des mouvements fluides de caméra, autour de diverses silhouettes : pour ce premier film, le cinéaste trouve une forme envoûtante, concrète et surréelle à la fois. C’est une page sombre de l’histoire du Portugal et les interrogations d’un homme qui pressent que l’écriture romanesque et poétique fera partie intégrante de son existence. Qu’elle sera aussi vitale que l’amour porté à son épouse, condensé à la fin de chaque lettre par un indéfectible : « J’aime tout de toi. »