Hawaï et sa vague pop

Arte
02/03/19 ~ 05:20 - 06:15

A la fin des années 50, les musiques exotiques et les danses sensuelles des mers du Sud viennent nourrir l'imaginaire de l'Amérique puritaine. De l'Alabama à l'Alaska, bars, restaurants, boîtes de nuit, hôtels et parcs à thème adoptent une décoration dans le style hawaïen. Des jeunes filles dansent en roulant les hanches sous des jupettes en raphia, avec des colliers de fleurs sur les seins. Le dieu païen Tiki se fait une place dans la culture pop. Hollywood s'empare aussi de tous les clichés possibles, dont celui du mâle occidental parti à la conquête de beautés insulaires peu farouches. La vague pop hawaïenne traverse ensuite les océans pour toucher l'Europe. Critique : Dans les années 1950, l’Amérique décou­vre l’abondance, les joies de la consommation, et le vide existentiel qui va avec. Heureusement, une vague salvatrice déferle de Hawaï, devenu à la toute fin de la décennie le cinquantième Etat du pays. Comme Gauguin fuyant la grisaille de Paris en Polynésie, l’Amérique tout entière se déleste du quotidien en portant des chemises fleuries et en sirotant des cocktails exotiques. C’est le mouvement Tiki pop, et il emporte tout : les restaurants et hôtels thématiques font florès, Holly­wood enchaîne les romances hawaïennes, la musique populaire se pare de steel guitars et d’ukulélés. Cette folie pour Hawaï nous est racontée par divers experts, archéologues ou designers, tous affublés de… chemises fleuries, des mugs en forme de divinités polynésiennes à la main. Une décontraction qui reflète bien le ton du documentaire : complet sans être assommant, cons­cient de la futilité de son sujet sans ­jamais le mépriser. Mais ne nous trompons pas, cette forme pop colorée et chatoyante cache en elle un message assez ­désabusé. En creux, se dessine le portrait d’une société américaine ultra conformiste, qui trouvait comme seule échappatoire l’exotisme kitsch. Finalement, cette évasion était aussi consumériste et toc que le mode de vie qu’elle permettait de fuir. Et sera aussi vite balayée par la vague des ­révol­tes des années 1960.