Sympathie pour le diable, diffusion du 03/09/20

Canal+
03/09/20 ~ 07:17 - 08:57

En novembre 1992, en pleine guerre en ex-Yougoslavie, le journaliste français Paul Marchand tente de rendre compte du siège de Sarajevo et du sort des 400 000 habitants pris en otage par les troupes serbes. Irascible, sûr de lui, fumeur invétéré de cigares, Paul n'a pas peur d'aller au plus près des violences. Accompagné de Vincent, son photographe, Marchand veut réveiller les consciences occidentales. Pour que les morts ne forment pas une donnée abstraite, pour leur redonner une identité, il est prêt à traverser les zones de conflits et les checkpoints les plus dangereux, pour aller voir la réalité des corps... - Critique : Le réalisateur a mis des ­années à adapter le livre choc du reporter français Paul Marchand, l’un des premiers journalistes arrivés à Sarajevo. Il couvrit pendant dix-huit mois ce siège, le plus long de l’histoire de la guerre moderne. Le résultat est une plongée crue dans les entrailles d’un conflit, mais aussi le portrait fiévreux d’un correspondant de guerre obsédé par la ­vérité. La caméra ne quitte pas le sillage de Paul. L’image granuleuse et la lumière grise saturée témoignent du chaos d’une ville piégée, en train de ­périr dans l’indifférence internationale, sur fond de tractations vaines de l’ONU… Marchand n’aimait pas se présenter comme journaliste, tant il voulait être autre chose que témoin. Il fumait cigare sur cigare puisque la guerre était un cancer bien plus mortel. La mort, il voulait la toucher du doigt, traversant des zones de bombardements dans sa vieille voiture pour aller compter le nombre de victimes à la morgue. Il n’était pas sympathique : orgueilleux, volontiers irascible et vexant, tant il était atteint par la tra­gédie. Pas d’hagiographie, donc, mais un hommage sincère à ce héros de l’info trompe-la-mort, mélancolique et écœuré, qui a ­fini par se suicider en 2009, sans doute d’en avoir trop vu, de s’être trop longtemps senti impuissant. L’acteur Niels Schneider crée un hallucinant Paul Marchand : corps tendu à l’extrême, dandy rageur aimanté à son volant. Un engagement d’acteur à la hauteur de ce film de guerre immersif qui ne peut laisser indifférent.