Le cousin, diffusion du 14/07/20

Canal+
14/07/20 ~ 00:54 - 02:43

C’est le polar, de préférence poisseux (Série noire) ou tendu (Police Python 357) qui sied le mieux à Corneau. Le Cousin, sans atteindre ce niveau, interroge avec brio les relations perverses qui unissent un flic et son indic. Chabat et Timsit dans d’étonnants contre-emplois, tout en sobriété. - Critique : Ce qui fait plaisir à voir, c'est le plaisir visible d'Alain Corneau à tourner un polar. Pas un film noir à la Melville, à qui on le compare sans raison véritable. Non : un bon vieux policier du samedi soir, comme on en produisait beaucoup dans les années 50. Genre Le Désordre et la Nuit, de Gilles Grangier, que Corneau a d'ailleurs contribué à réhabiliter, où Gabin jouait un flic amateur de chair fraîche et Darrieux une pharmacienne dealer ! Dans Le Cousin, on sent Corneau s'amuser comme un petit fou. Panoramiques filés d'une camionnette de flics à une autre. Caméra le plus souvent placée au niveau des phares ou du coffre. Forcément : une voiture qui pile net en gros plan, à hauteur des pare-chocs, c'est quand même plus spectaculaire que cadrée de loin et d'en haut. Et regardez l'efficacité de la première descente de la brigade de flics chez les dealers : un lent travelling sur leurs visages tendus ; puis deux, trois gros plans très brefs des gars partant à l'assaut ; et hop, la porte une fois défoncée, caméra sur l'épaule, à droite, à gauche, montage heurté, rapide, pour faire partager la panique et la peur ; le rire, parfois, lorsqu'une droguée furibarde réussit à renvoyer dans les cordes un costaud d'un coup de talon en pleine gueule. De la belle ouvrage (de la part de la droguée furibarde, mais surtout de Corneau). Sur le fond, on ne découvre pas grand-chose, c'est vrai, sinon l'ambiguïté permanente entre flics et truands, que Michel Alexandre, le coscénariste, avait déjà évoquée dans le superbe L.627 de Bertrand Tavernier. Si, tout de même : le rôle du « cousin », sorte d'avatar moderne de l'« indic » d'hier et de la « donneuse » de jadis. Le « cousin » (ici, Patrick Timsit), même s'il fait ami-ami avec lui, travaille avec « son » flic (en l'occurrence Alain Chabat) sur des bases très précises et extrêmement strictes. Notamment un pourcentage sur la drogue saisie grâce à ses informations, qu'il peut revendre en toute liberté. Très vite, les effets pervers de l'association donnent le vertige : ados tués par des drogues refilées illégalement par des flics à leurs « cousins ». Ubuesque et tout aussi terrifiant : des policiers forcés de protéger ces mêmes cousins et mis en examen par des juges tenaces. Alain Corneau filme cet engrenage infernal avec une précision dénuée de sensiblerie et de moralisme. Marie Trintignant, qui n'a pourtant que trois scènes dans le rôle du juge, parvient à suggérer la puissance de la loi et la difficulté à l'appliquer... Où le bât blesse-t-il, alors, puisqu'à l'évidence, il blesse quelque part ? Peut-être dans l'opposition systématique Chabat-Timsit. Chabat nous joue ça dans le style « j'en fais le moins pour en exprimer le plus ». Timsit, au contraire, c'est « j'en fais des tonnes et tant pis à qui ça déplaît ». Chabat s'en sort le mieux, c'est évident, mais Timsit a le rôle le plus dur : rendre sympa une ordure. Les répliques de Corneau l'aident à provoquer les rires. Mais les rires ne tuent-ils pas, alors, l'effroi que son personnage devrait, en même temps, inspirer ? Plus embêtants, les constants allers et retours entre vie publique et privée. Certes, on conçoit qu'une femme de flic délaissée se mette à boire. Et, en poussant un peu le bouchon, qu'un dealer, bon père de famille, inscrive ses filles dans une école privée pour les faire échapper à des individus qui exercent le même métier que lui... Tout de même, elles ressemblent, ces séquences, à des parenthèses longuettes et conventionnelles. Même si la scène où Chabat, endormi sur le lit de son fils, est très jolie, on a hâte que ces parenthèses se referment, que Corneau revienne à ce qu'il sait filmer un peu mieux que les autres : les réactions de policiers en planque dans un « sous-marin ». Un mec, revolver dans la bouche, qui hésite trois secondes, et c'est un vrai suspense, avant d'appuyer sur la détente. Et ce flic (Alain Chabat, vraiment très bien), comme usé, déjà, par la fatigue, la grisaille et le remords. Un joli personnage qui évoque et le désordre et la nuit - Pierre Murat