Deux moi, diffusion du 13/07/20

Canal+
13/07/20 ~ 23:07 - 00:54

Remy et Mélanie, deux trentenaires parisiens, vivent dans le même quartier. Ils ont beau être jeunes, ils souffrent tous les deux d’une grande solitude, d’un manque d'épanouissement et de reconnaissance au travail. Ils passent leur temps sur les réseaux sociaux et les sites de rencontres mais peinent à faire une belle rencontre. Ils s'en plaignent à leurs amis et surtout à leur psychologue respectif. Rémy et Mélanie pourraient se croiser, notamment dans l'épicerie de leur quartier, dirigé par un patron haut en couleur... - Critique : Cela fait bientôt trente ans que Cédric Klapisch capte les émo­tions de ses jeunes con­tem­porains dans le flux des villes. Il a ­révélé ainsi une génération d’acteurs qui ont vieilli en même temps que nous, depuis son Péril jeune. À Barcelone, Cécile de France apprenait l’art du baiser à son pote Romain Duris (L’Au­­berge espagnole, 2002), qui dix ans plus tard essayait de reconquérir Audrey Tautou à New York dans Casse-tête chinois. Mais en emboîtant le pas à Garance Clavel dans Chacun cherche son chat (1996) ou, de nouveau, à Romain Duris dans Paris (2008), le ciné­aste revient régulièrement prendre le pouls de Paname. Au tour cette fois du très actuel François Civil et de la lumineuse Ana Girardot d’incarner la jeunesse « klapischienne » dans une comédie mi-légère, mi-grave. Travelling sur des rails et des quais de transport en commun, pour cerner un jeune homme et une jeune femme qui bâillent au milieu de la foule d’une rame de métro : Rémy et Mélanie vivent l’ultramoderne solitude, dans deux immeubles collés l’un à l’autre. Soir et matin, ils marchent, sans se voir, sur le même trottoir. Seul de son entreprise (qui ressemble à Amazon) à ne pas avoir été licencié, Rémy souf­fre d’insomnie dans son petit appar­tement de provincial venu « respirer » dans l’anonymat de la capitale. Chercheuse sur les défenses immunitaires, Mélanie ne se remet pas d’une rupture amoureuse et se réfugie dans le sommeil. Heureusement pour les cœurs solitaires, il existe des épiceries de quartier et des psys… L’un des plus jolis moments de ce pas de deux repose sur un problème d’insonorisation typiquement citadin : dans son bain, Mélanie écoute à fond Histoire d’un amour, de Dalida. À travers la colonne d’aération, son mitoyen Rémy, séduit, identifie le morceau grâce à son smartphone et se met à l’écouter, à son tour. Tiens, se dit sa voisine, quelle coïncidence… Deux Moi raconte la chance d’une rencontre, à coup de hasards, de frôlements, et de passerelles pour que des droites parallèles finissent par se croiser. Résolument moqueur envers le recours aux réseaux sociaux pour sortir de sa bulle, Cédric Klapisch met sur le chemin de ces deux héros un chaton (ils sont bien mignons sur Internet, mais tout de même mieux en vrai) et un bon génie : l’épicier arabe (Simon Abkarian, délicieux) qui connaît leurs goûts mieux qu’eux-mêmes. Et parce que le présent nécessite souvent de se réconcilier avec le passé, et qu’il n’y a pas de honte à consulter, Rémy et Mélanie se met­tent à voir, chacun, un psy. D’un côté, Camille Cottin, tout en cachemires et bracelets, s’amuse des clichés de la thé­rapeute avec divan. De l’autre, François Berléand est merveilleux en vieux de la vieille, plein d’empathie dans son cabinet qui évoque davantage l’assistance publique. Deux appro­ches pour deux moi. Mais si cette romance moderne nous touche, c’est en rappelant que la vie, naturellement, sans application ni géolocalisation, peut encore rassembler les êtres.